Arla regarda son fils. Le sang-mêlé, le demi-orc, qui malgré tous ses efforts, ne parvenait pas à s’intégrer. Chétif, au milieu des autres enfants, couvert de sombres ecchymoses vertes et violettes ainsi que de diverses coupures. Il pleurait, une estafilade sanglante sur le tibia, et elle réalisa qu’il ne survivrait pas. Pas ici, dans leur clan. Il n’était pas adapté à la rude vie qu’ils menaient, et Arla ne pouvait pas lui consacrer toute son attention. Il n’y avait qu’une chose à faire, pour assurer sa survie : l’envoyer chez son père. La vie était plus douce, là-bas. Elle n’aimait pas cette idée. Allistair, même s’il était nommé d’après son père, était son fils. Un membre de son clan. Un orc. Pas un elfe.
[*]
Maman l’avait emmené loin, très loin du camp. Allistair ne savait pas où il était, et il serrait fort la main de maman à mesure que les ombres s’allongeaient. Maman finit par s’arrêter, et elle lui donna un morceau de viande séchée à manger. Allistair avait faim, alors il ne fit pas le difficile et engloutit le morceau de viande.
« Tu vas être sage », lui dit-elle finalement, et elle avait l’air très triste. « D’accord ? Tu écoutes bien ce qu’on te dit, et tu fais attention à toi. »
« Oui maman », répondit-il sagement.
Quelques minutes plus tard, un homme arriva. Il n’était pas comme les hommes du village, pourtant : il était plus petit, et sa peau était blanche, pas verte. Il avait de beaux cheveux, presque blancs et lisses, et un visage très doux sans dents protubérantes.
« Arla », dit-il poliment, mais son regard s’arrêta sur Allistair.
« Va », maman dit, en le poussant dans le dos. « Va avec lui. »
Allistair fit quelques pas titubants vers l’homme, qui s’accroupit pour le regarder. De près, il était encore plus beau, avec des oreilles pointues et de grands yeux verts. L’homme lui sourit.
« Bonjour, Allistair. Tu es bien grand, dis-moi. »
Allistair hocha la tête.
« Oui. Moi j’ai cinq ans », déclara-t-il en montrant tout autant de doigts. « Tu es quoi ? »
« Je suis un elfe », dit l’homme avec un léger rire. « Je m’appelle Allistair aussi, et je suis ton père. »
Allistair pencha la tête, étudiant le Allistair au regard doux et patient, très mince et très gracieux. Il avait envie d’être comme lui. Plus que d’être comme Brann.
« Ta maman pense que tu vivras mieux avec moi, à Yggdrasil, plutôt qu’avec le clan. Qu’est-ce que tu en dis, tu veux bien que je sois ton papa ? »
Allistair se retourna. Maman le regardait, mais elle avait ses bras croisés. Elle semblait immense, hors d’atteinte. L’elfe Allistair – papa – se tenait à sa hauteur et il lui souriait.
« D’accord », dit-il simplement, et papa le souleva avec une légère grimace pour le caler sur sa hanche.
« Ouf, tu n’es pas léger », dit-il avec un rire. « Tu vas voir. Tu vas avoir une chambre rien que pour toi, et de beaux habits. On va bien s’amuser. »
Papa se tourna vers maman.
« Je vais prendre soin de lui, Arla, je te le promets. »
« Tu es sa seule chance », maman admit. « Au revoir mon bébé », dit-elle à Allistair.
Elle fit quelques pas vers eux, et pressa très doucement son front contre le sien avant de s’éloigner.
« Je dois partir avant que la nuit tombe. Sois prudent. »
« Fais bon voyage », papa dit, et Allistair cala sa tête dans son cou. « Rentrons à la maison, mon ange », dit-il à Allistair.
Et la maison, apparemment, était loin, très loin du clan.
[*]
Le voyage avait été long, très long, à travers un paysage de plus en plus vert. Les orcs et les humains avaient laissé place aux elfes qui intriguaient tant Allistair. Les elfes comme papa, et, un peu, comme lui.
« Regarde », dit papa en lui montrant un arbre si énorme qu’il avait fallu un moment à Allistair pour comprendre que c’était un arbre. « Ta nouvelle maison est là. »
Une nouvelle maison, avec la femme de papa. Pas une nouvelle maman. Juste… Aisleen. Papa lui avait parlé d’elle, mais Allistair avait toujours un peu peur : Aisleen était une elfe, une elfe très « noble » - Allistair ne savait pas ce que cela voulait dire – et ça la rendait importante et intimidante.
Enfin, ils arrivèrent au magnifique manoir des Leafar. Les murs, les portes, tout était immense, et Allistair se sentait petit, tout petit. Ils traversèrent beaucoup de pièces, nombreuses, très grandes, et avec beaucoup d’objets. Pour la plupart, Allistair ne connaissait ni leur nom, ni leur utilité. Papa ralentit, redressa le col d’Allistair et le regarda bien avant de hocher la tête.
« Ça ira comme ça. Viens, que je te présente Aisleen. »
[*]
Aisleen Leafar était assise, perdue dans un énorme fauteuil où elle disparaissait presque. Allistair n’avait jamais vu personne de semblable, avec de lourdes boucles noires, de grands yeux noisette, et une expression indéchiffrable. Elle se leva en les voyant entrer, dépliant une svelte silhouette parée de tissus soyeux et chatoyants.
« Ainsi, c’est toi Allistair », dit-elle en le regardant.
Elle le fixa longtemps, longtemps, et Allistair ne pouvait détourner le regard. Finalement, son expression s’adoucit en un sourire chaleureux.
« Sois le bienvenu chez toi, Allistair. Tu peux m’appeler Ash. »
Une nouvelle maison, une nouvelle famille - Allistair (FB)
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